La caravane des berbères du Maroc

"Notre bonheur, notre bien-être ne vient pas de ce que nous possédons, ni de ce que nous faisons mais de comment nous le vivons ! notre relation avec les êtres, les activités et les choses"

Bédouins désert marocainceux qui ne renoncent pas à croire que dans chacune de leurs décisions, ils porteront le poids de leurs erreurs ou de leur vérité.

Le soleil se lève sur les dunes. Le sable danse au gré du Vent Chergui dans un mouvement incessant comme un sculpteur qui aurait décidé de modifier les contours du désert à l'infini. Enfouis dans nos chèches jusqu'aux yeux, nous tentons de nous frayer un chemin dans ce couloir venteux et brûlant. Le silence est omniprésent. Seules les rafales et les pas des chameaux cadencent notre inébranlable volonté d'avancer. Les tempêtes de sable peuvent durer quelques heures comme plusieurs jours. Le désert nous fait grâce de cette dernière expérience en nous octroyant une éclaircie dans la journée. La vue se dégage petit à petit laissant apparaître les dunes à perte de vue. Aucun repère pour les citadins que nous sommes mais le sentiment de vivre un instant unique. La caravane avance et nous la suivons. Ce voyage que j'ai souhaité m'apparaît soudain comme une épreuve à laquelle je n'étais pas préparée. Marcher dans le sable se révèle être le premier défi. La douleur sera ma compagne durant ce voyage et c'est dans le dénuement le plus total que je découvre la véritable résilience ; celle qui consiste à ne pas croire qu'il soit possible de renoncer avant même d'avoir essayé.

Cela pourrait paraître totalement inconcevable lorsqu'il s'agit d'affronter une terre hostile où le combat est perdu d'avance mais c'est bien mal connaître notre monde et ceux qui en ont fait leur eldorado. Le désert brûlant est le territoire des Berbères. Depuis la nuit des temps, ils ont su s'adapter pour apprendre à vivre, survivre et prospérer., et c'est dans l'expérience de leur quotidien que nous cheminons à travers le désert.

Nos échanges sont peu fréquents et très brefs durant la journée. Les nomades marchent dans le silence au rythme des pas de leurs chameaux. Ce sont leurs compagnons de voyage. Ils méritent toute leur attention et ne peuvent en aucun cas servir de transport pour les humains. À la tombée du soir, quand la chaleur fait place à un froid de plus en plus glacial au fil de la nuit, ils s'organisent autour de leur feu de camp. Cuisine traditionnelle, chants et danses ponctuent la fin d'une journée écrasante qui pour autant ne semble pas les avoir affectés. Après quelques journées à les suivre, je m'aventure à leur poser quelques questions sur leur condition de vie et leur envie d'un éventuel ailleurs. La réponse est sans appel, le monde est bien trop complexe pour leur permettre de vivre leur liberté. Les dunes, le soleil, le vent et les étoiles sont leurs univers depuis la nuit des temps. Après une semaine passée à leurs côtés, je commence à toucher du bout des doigts ce fameux sentiment de liberté. C'est ainsi qu'on les nomme "Les hommes libres du Maghreb". Alors bon vent, Messieurs, que le monde soit à la hauteur de vos rêves. Quant à moi, je repars avec quelques étoiles supplémentaires dans les yeux... Selon Thomas d'Ansembourg, "notre bonheur, notre bien-être ne vient pas de ce que nous possédons, ni de ce que nous faisons, mais de comment nous le vivons ! Notre relation avec les êtres, les activités et les choses". Le désert a cette vertu de nous mettre à nu, face à nous-même. En ce qui me concerne, ce voyage m'aura permis d'aller au bout de moi-même, d'apprendre à me faire confiance, à repousser mes limites et à comprendre que dans la solitude et le silence se gagne le prix de la liberté.

Quand le soir venu le vent hurle entre les dunes

Quand le soleil brûlant s'éteint et décroît face à la lune

Glissent les caravanes sans autre bruit

Que les chants des hommes qui se fondent dans la nuit

Christine Lemarchand

La caravane des berbères du Maroc